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Pourquoi je parle désormais de Communs plutôt que de biens communs ?

Le titre de ce billet est une reprise du titre du billet que nous avons publié ce matin sur le site du collectif SavoirsCom1, billet explicitant la mise à jour du manifeste du collectif.

Je me permets également de reprendre ici de larges extraits de ce billet qui est en CC-By.

Alors pourquoi parler de Communs ?

Je le fais depuis plusieurs mois déjà sur ce blog dans une catégorie dédiée ; je viens d'en profiter pour changer son intitulé, la faisant passer de "#biens communs" à "#Communs".

Passer de Biens communs à communs, c’est mettre l’En-Commun, au sens d’action collective, au même niveau que la ressource. Pour pouvoir parler de communs, il faut qu’une ressource soit instituée comme telle par un groupe et c’est ce processus d’institutionnalisation qui importe vraiment. Nous plaçons ainsi les communs dans une dynamique d’action collective et politique. Les communs ne sont pas seulement des biens matériels, ni même immatériels, qu’il faudrait gérer et dont l’essence serait fixe et immuable.

Passer de « biens communs » à communs, c’est aussi prendre du recul sur la pensée d’Elinor Ostrom, qui avait axé sa réflexion sur certains types de ressources « Les Common Pool Resources », correspondant seulement à certains types de biens ayant des caractéristiques données. Or, si l’on regarde attentivement, n’importe quelle ressource peut être mise en commun, dès lors qu’une communauté le décide. Il n’y a pas de ressource qui aurait intrinsèquement des caractères la prédisposant à être gérée en commun.
Enfin, dernier argument, c’est que la notion de « bien », immanquablement, appelle sous une forme ou une autre la propriété, alors que certains pensent que celle-ci doit être complètement mise de côté lorsqu’il est question de communs (c’est l’approche de Stallmann avec les logiciels libres, qui rejette catégoriquement la propriété intellectuelle ; c’est aussi quelque chose de très fort dans le mouvement des semences, qui refuse de considérer qu’il s’agit de « biens » marchandisables » et qui rejette déjà le terme de « bien commun »).
L’ouvrage récent qui va le plus loin dans cette logique est celui de Pierre Dardot et Christian Laval, qui appellent explicitement à ne plus employer le terme de biens communs pour passer aux communs. Nous notons aussi avec intérêt que le livre de Jeremy Rifkin "La nouvelle société du coût marginal zéro. L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme " qui aborde les communs propose la traduction « communaux collaboratifs » replaçant ainsi les communs dans leur filiation historique.

savoirsCom1

Communs de la connaissance ou Communs informationnels ?

De la même façon, j'adopte pleinement le parti pris du collectif SavoirCom1 de parler de Communs de la connaissance.

Le terme « information» faisant allusion à la nature immatérielle du bien en question (par contraste avec les biens communs physiques) ; le terme « connaissance » insiste davantage sur l’élaboration intellectuelle (parfois collective) préludant à sa formation. Parler de connaissance plutôt que d’information s’inscrit donc dans la continuité logique du passage de biens communs à communs.

SavoirsCom1

Hervé Le Crosnier et Olivier Ertzscheid. disent "les communs de la connaissance nous montrent qu’on peut concevoir et organiser le savoir, l’échange, la transmission et l’enrichissement mutuel en dehors des formes rigides de la propriété"

De la connaissance à la littératie des Communs

Dans les 10 points du manifeste du collectif SavoirsCom1, deux points plus particulièrement attirent mon attention en tant que prof doc.

Celui sur la protection des données personnelles que nous évoquons lors des séances d'EMI dédiées à la présence numérique :

2. La protection des données personnelles doit être un élément de lutte contre des enclosures qui dépossèdent les utilisateurs de leurs propres données. Il faut garantir la manipulabilité des données personnelles, leur contrôle citoyen et la régulation de leur usage en commun.

SavoirsCom1

Et celui qui introduit la nécessité de développer une littératie des Communs

4- Le développement d’une littératie des Communs doit favoriser la citoyenneté et les apprentissages en réseaux, socles de l’existence des Communs. Il faut donc enseigner des connaissances, transmettre des savoir-faire et savoirs être qui garantissent la capacité des citoyens de demain à créer des Communs. L’apprentissage de la création, du stockage et de la mise en circulation de l’information, ainsi qu’une formation à la compréhension critique de notre environnement numérique doivent être pleinement intégrées dans les cursus scolaires et universitaires et dans les formations tout au long de la vie.
En outre, la création de ressources (éducatives) libres doivent être encouragées et comporter une clause de partage à l’identique, qu’il s’agisse de données, de métadonnées, de savoirs, garanties pour une libre circulation des connaissances.

SavoirsCom1

Ceux qui suivent ce blog savent que c'est un aspect que je soutiens.

La pratique de la publication et notre enseignement autour du triptyque développé par Divina Frau-Meigs Comprendre-Critiquer-Créer peut conduire, il me semble, à la question des Communs.

J'essaie de positionner mon enseignement dans cette démarche, avec un lien très fort aux notions de l'info-doc telles que redocumentarisation - éditorialisation - présence numérique - autoritativité - pertinence de l'information.... Certes, ces notions sont (plus ou moins) nouvelles et pas toujours stabilisées (voir le Wikinotions pour s'en rendre compte). Pour autant, la pratique (et l’apprentissage) de la publication par les élèves permet de garantir la pérennité des connaissances et des savoirs. En effet, le partage d'une ressource prend tout son sens lorsque celui qui les publie/partage arrive à se les approprier pour en proposer une version augmentée ou remixée. c'est par ce cercle vertueux "copie/appropriation/diffusion" que les communs de la connaissance se construisent.

La culture numérique que je développe dans le cadre du parcours est, je crois, une culture de la relation, de l'ouverture et de la créativité, porteuse de sens et de valeurs. Cette culture numérique permettra de garantir, me semble-t-il, l'interopérabilité, la lisibilité, l'appropriabilité et la citabilité des connaissances et des savoirs.

Voici un essai de construction d'une carte pour définir la littératie des Communs. Cette carte est une toute première étape (merci de votre indulgence sur les erreurs et imperfections qu'elle peut contenir- work in progress !). Merci à ceux (collègues et membres de SavoirsCom1) qui ont contribué et contribuent à sa construction !

Tag(s) : #Communs
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